Une gestion efficace des boiteries passe par la gestion au cas par cas (gestion individuelle) et par la gestion au niveau du troupeau décrite ci-dessous.
1. Le parage préventif
Le parage préventif est le parage d’un groupe d’animaux constitué d’une partie ou de tout le troupeau. Il ne concerne pas uniquement les boiteuses, à l’inverse du parage curatif. Chaque animal dans le troupeau devrait avoir ses pieds levés, inspectés et si nécessaire parés au moins une fois par an.
Le moment du parage préventif est à discuter avec le pédicure. Il peut être effectué entre 60 et 100 jours de lactation et avant le tarissement si un 2e parage est programmé (mais pas le jour du tarissement). Pour les troupeaux avec une lactation prolongée, attendre jusqu’au tarissement est souvent trop long. Il est alors préférable de faire un parage préventif entre 6 et 10 mois après le vêlage.
Le parage préventif de routine devrait être évité lors de certaines périodes*, et surtout :
Les principaux objectifs d’un bon parage sont :
Il convient de noter qu’un excès de parage peut contribuer à des bleimes, des boiteries et un risque pour la croissance future de la corne, en particulier dans les fermes avec du béton abrasif. Les programmes de parage doivent toujours être adaptés à l’exploitation et à chaque vache (gestion individuelle). Il est donc indispensable de se former avant toute action de parage ou de faire appel à un pédicure professionnel.
En savoir plus sur le parage fonctionnel
2. La gestion collective des maladies infectieuses
La gestion collective des maladies infectieuses (fourchet et maladie de Mortellaro) passe par la désinfection collective des pieds. Pour cela, plusieurs techniques sont envisageables : les pédiluves sous forme de bac rempli de désinfectant (méthode la plus couramment utilisée), les pédiluves à sec, les tapis de mousse imprégnés de solution désinfectante, les pulvérisations et le système de mousse produite juste avant usage.
Lors de la présence répétée de maladies infectieuses dans l’élevage, l’utilisation d’une désinfection collective s’envisage de manière pérenne, et non de façon sporadique. C’est pourquoi ces installations doivent être intégrées et adaptées à l’élevage, au mode de fonctionnement de l’éleveur et au bien-être des animaux.
Source photo: T. Aubineau
Remarque. Lorsque la maladie de Mortellaro touche environ 20% des animaux, une désinfection collective, associée à un traitement individuel doit être envisagée.
Pour désinfecter efficacement les pieds, des préalables indispensables doivent être respectés :
Remarque : il faut éviter de laisser le pédiluve (ou le bain de pré-nettoyage) dans un lieu en libre accès des vaches. Cela évite que les vaches boivent la solution, lorsque le produit utilisé n’est pas assez répulsif, et aient des désordres digestifs.
Source photo: A. Charette
Source photo: A. Charette
Source photo: A. Charette
Source photo: A. Charette
Les pédiluves
Différents types de pédiluves plus ou moins sophistiqués et onéreux sont sur le marché (1 ou 2 bacs, avec système de pulvérisation, …). Il faut donc trouver la solution adaptée à chaque exploitation.
Une désinfection efficace des pieds via les pédiluves de passage passe obligatoirement par la couverture complète des 4 pieds, jusqu’aux onglons accessoires (cf photo 12), avec un désinfectant suffisant et suffisamment propre. Il faut donc trouver un compromis entre :
Le produit doit couvrir tout le pied, jusqu’aux onglons accessoires (source : A. Charrette)
Des recommandations standards existent sur les dimensions des pédiluves et le nombre de passages de bovins possibles avant de changer la solution. Cependant, celles-ci doivent être adaptées aux conditions et pratiques de chaque élevage et aux solutions déjà en place. Si les 4 pieds ne passent pas dans le pédiluve, il faut alors ralentir les vaches ou augmenter la longueur du pédiluve. Si le volume de produit n’est plus suffisant (pertes lors des passages successifs) et/ou si le produit est sale, il faut changer la solution. Pour éviter la perte de produit, il est préférable d’ajouter des parois pleines de chaque côté du pédiluve.
D’après une étude canadienne*, pour optimiser le nombre d’immersions des pieds par passage de vaches, tout en limitant le volume du pédiluve, les dimensions recommandées sont : 3 à 3,7 m de long, 0,5 à 0,6 m de large et une profondeur de 28 cm. Il est indispensable que la solution soit suffisamment haute pour couvrir le pied, jusqu’aux onglons accessoires (cf. photo 12). Si les vaches sont ralenties lors de leur passage, la longueur du pédiluve pourrait être diminuée mais aucune recommandation n’est actuellement disponible sur ce point.
Certains pédiluves comportent un bac central recevant les bouses et limitant la contamination de la solution désinfectante. Ces bacs sont démontables et donc facilement transportables et nettoyables. Mais attention, ils sont de dimensions inférieures à celles recommandées.
* Cook et al., The Veterinary Journal 193 : 669 (2012)
Dimensions d’un pédiluve de passage permettant d’optimiser le flux des vaches et le nombre d’immersions des pieds par vache tout en minimisant le volume du pédiluve (source : Cook et al. 2012)
Attention : certains bacs ont des fonds inconfortables pour les vaches et sont glissants. Les animaux sont alors réticents pour passer. Il est possible dans ce cas de mettre des tapis en caoutchouc à l’intérieur. Le fait d’écarter les onglons pendant le passage des animaux n’est pas indispensable.
Préparation : s’il s’agit d’un produit liquide, la solution désinfectante doit être diluée selon les recommandations du fabricant. La hauteur de bain est d’environ 10 cm (prévoir 12 cm de hauteur lors de la préparation de la solution désinfectante pour que la hauteur en fin de désinfection soit d’au moins 10 cm et couvre encore les pieds). Il faut faire attention à la perte de produit lors des passages successifs des animaux. Il est préférable de prévoir une paroi pleine de chaque côté du pédiluve pour éviter cela.
Renouvellement : la fréquence de renouvellement du pédiluve doit être adaptée selon le volume résiduel de produit. Si ce volume résiduel est suffisant pour couvrir complètement le pied, la fréquence de renouvellement peut être conseillée après plus de 150 à 200 passages*. En cas de souillure avérée de la solution et de volume résiduel insuffisant, ce renouvellement doit intervenir plus précocement.
* Juan et al., 2016, description de la contamination des pédiluves par les matières organiques en conditions d’élevage bovin laitier, poster présenté aux 3R, 7-8/12/2016
Produits utilisés : Il existe des désinfectants liquides ou sec (cf. photo 14). Le formol est à proscrire car il est cancérigène pour l’Homme. Le sulfate de cuivre est toujours sur le marché mais il présente un risque pour l’environnement. D’autres produits sont en cours de développement mais ils sont eux aussi susceptibles de ne pas être agréés par la directive européenne sur les produits biocides, car beaucoup contiennent de petites quantités de glutaraldéhyde et de sulfate de cuivre. Par ailleurs, leur efficacité reste à démontrer notamment vis-à-vis de la Maladie de Mortellaro, plus difficile à prévenir que le fourchet.
Une étude de 4 mois a été menée par le GDS Bretagne pour évaluer l’efficacité préventive et curative d’une désinfection collective avec un pédiluve à sec vis-à-vis de la dermatite digitée en élevage laitier. Il s’est avéré que les performances étaient comparables aux autres types de désinfection collective sur une période de 7 mois (durée totale de l’étude). Celui-ci est utilisable en agriculture biologique, le produit répond aux contraintes toxicologiques, de manipulation et de fréquentation. Il limite le stress des bovins qui hésitent moins pour y passer, et il peut être installé dans divers types de passages par la mise en place de 4 planches de bois amovibles (Leperlier, 2014). Il est à noter qu’il est important de détasser le produit après chaque passage car il risque de prendre en masse.
Exemple de pédiluve à sec (Source: T. Aubineau)
L’utilisation d’antibiotiques dans les pédiluves est formellement interdite.
Le pédiluve est à mettre dans un endroit éclairé et où tous les animaux sont obligés de passer : à la sortie de la salle de traite, par exemple, ou dans un couloir amovible spécialement aménagé. Un emplacement mal choisi pourra stresser les animaux, augmenter la charge de travail et au final décourager l’utilisation des pédiluves. Les meilleurs emplacements sont souvent dans les couloirs de sortie de traite ou dans la zone de transfert entre la salle de traite et l’aire de vie. La surface entre la fin du quai de traite et le pédiluve conseillée pour éviter les bouchons en sortie de salle de traite est de :
Ex : salle de traite épi 2×10 places et 1 couloir de sortie : prévoir : 20×1,5 =30m² entre la fin du quai et le pédiluve)
Si l’aire de retour de la traite est très large, une solution consiste à disposer deux pédiluves côte à côte : cela facilite le passage des vaches craintives qui sont entraînées par les plus motivées.
Une zone de passage entre les allées de logettes ou entre deux parcs peut être un bon emplacement pour un pédiluve. Il faut cependant que les pieds restent propres entre la sortie de la salle de traite et l’arrivée au niveau du système désinfectant.
Deux règles d’or sont à respecter : il faut éviter de placer le pédiluve après une marche, avant ou après un angle ; le remplissage et la vidange du pédiluve doivent être faciles (l’idéal est que l’évacuation se fasse directement dans la fosse à lisier).
La fréquence de passage dans les pédiluves dépend de la solution utilisée. Les fréquences les plus courantes sont deux fois par jour, pendant deux jours consécutifs tous les quinze jours.
Lorsque cela est possible, les vaches avec ulcérations de la sole et/ou blessures ouvertes ne doivent pas passer dans le pédiluve ; d’autant plus lorsque les solutions sont trop concentrées car elles attaquent la peau et la corne.
D‘autres systèmes proches du pédiluve de passage existent : le matelas de mousse imprégné de solution désinfectante; le pédiluve de stationnement dans lequel les vaches doivent rester une heure; le tapis pulvérisateur pour sabots…
La pulvérisation
Elle présente l’avantage : de consommer moins de produit, de s’assurer que toutes les vaches sont désinfectées et de comporter moins de risque toxique pour l’environnement.
Elle présente l’inconvénient de créer des aérosols à hauteur de l’éleveur (risque toxique pour l’homme). Pour éviter cela, il est conseillé de porter un masque FFP2. Les masques de « chirurgien » limitent uniquement la diffusion d’aérosols depuis la personne qui le porte vers l’extérieur. Ils n’empêchent pas l’inhalation de particules.
La pulvérisation est réalisée pendant le temps de la traite, elle nécessite donc de prévoir du temps pour cette tâche.
La marche à suivre est la suivante :
Le produit étant plus épais que de l’eau, le pulvérisateur doit être équipé d’une grosse buse de sortie.
Par temps froid, le pulvérisateur contenant le produit peut être placé au bain marie dans un seau d’eau chaude, de manière à bien le fluidifier et à garantir un bon recouvrement à la pulvérisation.
Il existe plusieurs systèmes de désinfection des postérieurs. Ils sont installés à l’arrière de la stalle du robot. Les systèmes se différencient par la présence ou non d’un système de nettoyage des pieds préalable à la désinfection. Certains nettoient à l’entrée de la vache dans la stalle et désinfectent à la fin de la traite (ce qui laisse le temps au pied de sécher avant l’application du produit) ; pour d’autres nettoyage et désinfection s’enchainent en fin de traite. Dans tous les cas, il est préférable d’utiliser un système avec nettoyage préalable.
Il existe des systèmes de programmation qui permettent soit une utilisation en mode alterné (un jour sur deux), soit en mode continu.
En contre partie du coût élevé de ce type de matériel, le système de pompe doseuse permet de diminuer considérablement la consommation de produit en comparaison aux systèmes pédiluves.
La station mousse
Ce système de désinfection consiste à répandre sur le sol de l’aire d’attente un produit désinfectant sous forme de mousse qui recouvre l’ensemble du pied.
Système de désinfection des pieds par la mousse (source : T. Aubineau)