Plusieurs facteurs de risque liés à l’alimentation existent et n’ont pas la même importance en fonction de la présence et de la sévérité des maladies podales présentes dans l’élevage (voir tableau ci-dessous). Afin de savoir si ces facteurs de risque sont présents et s’ils ont réellement un impact sur les animaux, il convient de faire appel à un spécialiste avec lequel un bilan complet sera fait.
Importance relative des facteurs de risque de boiterie à investiguer selon la maladie diagnostiquée ou la sévérité des lésions (guide « Maîtrise des boiteries dans les troupeaux bovins laitiers », UMT Maitrise de la Santé des troupeaux bovins, 2014 en savoir plus)
Maladies podales | |||
Nature du facteur de risque | Fourbure | Fourchet | Mortellaro |
Déficit énergétique | Majeur | Secondaire | Secondaire |
Carences marquées en minéraux | Secondaire | Secondaire | Secondaire |
Remarque. L’acidose sub-aiguë du rumen a longtemps été incriminée dans l’apparition de la fourbure sub-aiguë mais son rôle est à ce jour (2017) largement controversé. C’est pourquoi elle n’apparait pas ici comme étant un facteur de risque.
L’alimentation est importante pour la santé des pieds pour 2 raisons principales :
Il faut donc éviter tout déséquilibre dans la ration et tout amaigrissement des animaux. Pour cela, il faut, entre autres, éviter les rations trop acidogènes (trop riches en énergie, mal équilibrées en azote ou avec un manque de fibres) et les déficits énergétiques (pouvant être responsables d’acétonémie). Il est donc important d’observer les animaux pour détecter un éventuel amaigrissement.
Les vaches en début de lactation (jusqu’à 100/120 jours) vont être les plus compliquées à gérer. Les risques d’acétonémie sont par exemple plus grands autour du vêlage (stress engendré). Il faut donc être vigilant à la transition tarissement – début de lactation.
La qualité de la corne produite dépend beaucoup de ces facteurs métaboliques et alimentaires. La fourbure, par exemple, peut engendrer des dérèglements de synthèse de la corne ou une corne de mauvaise qualité, tout comme une mauvaise minéralisation en macroéléments (calcium, phosphore, magnésium, etc.) ou microéléments et vitamines (cuivre, zinc, biotine par exemple) qu’il faut donc apporter en quantité suffisante.
En outre, une alimentation qui a tendance à accélérer le transit intestinal, tel que l’affouragement en vert ou l’apport de betterave dans la ration, va être à l’origine de déjections beaucoup plus liquides ou collantes qui vont avoir un effet négatif sur la propreté des animaux, de leur environnement et donc des pieds.
Ne pas sous-estimer la place de l’eau
La production et l’émission de lait augmentent fortement les besoins en eau. L’eau doit donc être apportée en quantité suffisante et elle doit être de bonne qualité.
De plus, le mode d’apport doit être minutieusement réfléchi. En effet, bien que trop souvent sous-estimé, cela peut avoir un impact important sur l’apparition des boiteries dans plusieurs cas :
L’eau est donc un facteur à considérer avec importance dans de nombreux domaines (ex : mammites) dont les boiteries.
L’importance des coussinets plantaires dans l’apparition de lésions telles que la bleime, l’ulcère de la sole ou la maladie de la ligne blanche est de plus en plus reconnue par le monde scientifique[1]. Un lien a été fait entre l’épaisseur des coussinets plantaires et la note d’état corporel : les animaux plus maigres ont des coussinets plantaires plus minces, et réciproquement (Bicalho et al. 2009). Des études montrent que les animaux ayant des coussinets plantaires plus minces présentent un plus grand nombre de lésions. Ceci est expliqué par le fait que les vaches minces mobilisent la graisse de leurs coussinets pendant la perte de poids, d’où un moindre amortissement des chocs et l’apparition de lésions (Bicalho et al. 2009). Mais la question suivante se pose : « est ce que les vaches boiteuses deviennent maigres ou est-ce que les vaches maigres deviennent boiteuses ? »
Il est incontestable que les boiteries provoquent un amaigrissement de l’animal car elles diminuent la prise alimentaire. Néanmoins, plusieurs études ont montré que la perte de poids peut précéder les boiteries : les vaches maigres deviennent plus facilement boiteuses. Dans ces études, les vaches avec une note d’état corporel faible avaient plus de chance d’être traitées pour une bleime, un ulcère de la sole ou une maladie de la ligne blanche dans les 0 à 4 mois suivants. De même, les vaches ayant une note d’état corporel faible au moment du vêlage étaient plus à risque de développer une boiterie au cours de la lactation et guérissaient plus difficilement (Green et al. 2014, Huxley, 2015, Lim et al. 2015).
[1] D’autres origines possibles sont également suspectées telles que la laxité des fibres de collagènes autour du vêlage, la contribution de changements anatomiques et biochimiques au niveau de la 3e phalange, etc.
Il faut donc prêter attention à la maigreur de l’animal qui peut être un indicateur pour l’apparition de boiteries.
Bicalho RC, Machado VS and Caixeta LS 2009 Lameness in dairy cattle: A debilitating disease or a disease of debilitated cattle? A cross-sectional study of lameness prevalence and thickness of the digital cushion. Journal of Dairy Science 92: 3175–3184.
Green LE, Huxley JN, Banks C and Green MJ 2014 Temporal associations between low body condition, lameness and milk yield in a UK dairy herd. Preventive Veterinary Medicine 113: 63–71.
Huxley JN and others 2015 THE ROLE OF BODY CONDITION IN LAMENESS CONTROL. Cattle Lameness Conference, 22 April 2015, Warriors Way, Worcester, UK pp. 5–7. The Dairy Group
Lim PY, Huxley JN, Willshire JA, Green MJ, Othman AR and Kaler J 2015 Unravelling the temporal association between lameness and body condition score in dairy cattle using a multistate modelling approach. Preventive Veterinary Medicine 118: 370–377.
Lischer CJ, Ossent P, Räber M and Geyer H 2002 Suspensory structures and supporting tissues of the third phalanx of cows and their relevance to the development of typical sole ulcers (Rusterholz ulcers). Veterinary Record 151: 694–698.